Des textes du concours de nouvelles du CAES, supports d’une expérience scientifique
Chercheur en neurosciences cognitives au laboratoire de Neurosciences Cognitives (CNRS & Université Aix-Marseille) Jean-Luc Velay, qui travaille sur les relations cerveau-écriture-lecture et sur l’impact du numérique sur l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, a choisi deux nouvelles du concours littéraire CAES 2013 pour mener une expérience
Pouvez-vous décrire l’expérience qui a été menée ?
Cette expérience portait sur la compréhension en lecture chez les dyslexiques adultes qui parviennent malgré tout à suivre un cursus universitaire. En effet, il est important de comprendre quelles stratégies cognitives utilisent les étudiants dyslexiques pour compenser leurs difficultés de lecture afin d’aider l’ensemble des dyslexiques à surpasser leurs problèmes. D’autre part, nous voulions savoir si lire un texte sur livre numérique facilite la compréhension du texte pour les dyslexiques, ou pas. Cette expérience à été conduite en collaboration avec E. Cavalli et P. Colé, deux enseignants-chercheurs du Laboratoire de Psychologie Cognitive à Marseille. Nous avons donc cherché à savoir si des étudiants dyslexiques lisent et comprennent aussi bien un texte quand le texte est présenté dans un livre imprimé et quand il est présenté sur un livre numérique. Nous leur avons demandé de lire 2 courtes nouvelles, l’une sur un livre papier, l’autre sur un livre numérique (liseuse Kindle de Amazon). Deux groupes d’étudiants ont participé : des étudiants dyslexiques et des étudiants ordinaires qui servent de groupe témoin. Les deux textes ont été extraits d’un recueil de nouvelles édité par le CAES. Nous avons mesuré un ensemble d’indicateurs sur la compréhension des textes lus (sur les personnages de l’histoire, leurs relations, les évènements relatés…)
Qu’avez-vous découvert lors de cette expérience ?
Pour résumer, les résultats montrent que les étudiants dyslexiques comprennent aussi bien les textes que les témoins quand ils lisent sur livre papier, mais ils se repèrent moins bien dans le texte et ils sont pénalisés pour reconstruire la chronologie des évènements de l’histoire quand ils lisent sur livre numérique. Les conclusions sont donc que les étudiants dyslexiques, pour parvenir à mémoriser et comprendre ce qu’ils lisent et en particulier pour se repérer dans l’espace du texte, utilisent des informations extraites des mouvements de manipulation du livre. Comme ces mouvements sont très différents avec un livre numérique (feuilleter, tourner les pages etc…), ils perdent ces informations et sont moins efficaces sur certains aspects de la compréhension.
Pourquoi avoir choisi des nouvelles du CAES ? Y a-t-il eu une sélection de textes ? Si oui sur quels critères ?
Pour être compatibles avec les conditions d’expérimentation en laboratoire, il nous fallait des histoires brèves (moins d’une demi-heure de lecture). De plus, les dyslexiques ne peuvent pas lire très longtemps sans fatigue. Il nous fallait aussi des histoires contenant une intrigue car la capacité à comprendre les aspects temporels de l’intrigue nous intéressait. Des nouvelles policières étaient donc tout-à-fait appropriées, d’autant plus que cela ajoutait un caractère ludique à l’expérience. Il se trouve que j’avais lu les nouvelles qui avaient été publiées à la suite du concours de nouvelles policières organisées par le CAES en 2013 à Marseille et nous avons utilisé deux de ces nouvelles: « Bas toi, ma belle » d’Esthere Garnier et « Dernière journée » de Lionel Schwartz.
Comment connaissez-vous le CAES ?
Je connais le CAES depuis que je suis entré au CNRS pour avoir pratiqué un grand nombre d’activités sportives et culturelles grâce au CAES (ski, kayak, théatre…)
Quelle est votre actualité de recherche ? Votre actualité artistique ?
Je travaille beaucoup sur les changements cognitifs et cérébraux engendrés par l’apprentissage de l’écriture numérique. Sur le plan culturel, j’ai (provisoirement?) interrompu mon activité théâtrale pour me consacrer au chant (jazz vocal).