Un jour à Soweto
Entretien avec Claire Kulaga, membre du photoclub CAES de Villejuif, qui expose au Campus CNRS un remarquable reportage photographique sur le quartier de Soweto à Johannesburg (Afrique du Sud).
CAES MAG. Dans quel cadre avez-vous pris ces photos ?
Claire Kulaga. J’ai fait le reportage à l’occasion du voyage organisé par le CE du CAES du CNRS en mai 2018 : 10 jours pour découvrir notamment Durban, le Swaziland, le Parc Kruger, le canyon de Blyde River, Pretoria et clore avec Johannesbourg et donc Soweto, théâtre de révoltes étudiantes et de la brutalité policière de l’époque de l’apartheid.
Qu’est ce qui vous a conduit à choisir particulièrement Soweto comme cadre de ce reportage ?
De tous les townships qui ceinturent la ville, Soweto est le plus célèbre. C’est incroyable de vie et en constante mutation avec ses 2 à 3 millions d’habitants et ses 120 km². Ici, on comprend ce qu’est un township. Et ce n’est pas nécessairement un bidonville. Dans la vision occidentale, Soweto est pour la plupart du temps encore assimilé à un bidonville gigantesque, mais il s’agit d’une zone beaucoup plus diversifiée qui comprend à la fois des quartiers aisés et pauvres. Même si une extrême pauvreté touche encore la majeure partie de la population qui vit dans ce quartier historique de Jobur’g, j’y ai ressenti une immense solidarité, un certain esprit de communauté et une chaleur humaine que j’ai voulu rendre en photos.
Comment avez-vous procédé ?
Je prends mes photos dans un mouvement avec toujours la volonté de « ne pas déranger ». Des photos sur le vif, à la volée, car je ne veux pas que le sujet pose pour ma photo, je cherche un instant de vie, pas un photomaton. Certaines sont ainsi prises du car avec lequel on se déplaçait. Ce qui m’intéresse, ce sont les fragments du quotidien, des images de passants, d’écoliers rentrant de cours, d’enfants jouant dans un parc, de commerçants ambulants, de musiciens de rue … Des photos qui racontent, qui décryptent la vie… En fait, les 36 photos qui sont aujourd’hui exposées sont plus qu’un souvenir de voyage car j’ai essayé de capturer l’âme des rues d’un quartier mondialement célèbre dans des petits rectangles d’émotion…
Après l’exposition Montpellier, c’est avec un grand plaisir que le photoclub du CLAS de Villejuif accueille au campus CNRS de la ville une autre série de photos de voyage, celle d’une de ses membres, Claire Kulaga. À travers cette trentaine de photos, Claire nous présente une vision personnelle de Soweto, quartier township de Johannesburg, symbole historique de la résistance à l’apartheid. À l’image d’un carnet de voyage, la cohérence esthétique de l’ensemble nous guide et nous fait passer d’images en images, d’une situation à une autre avec évidence, étonnement, questionnement, sourire ; en somme nous marchons dans ses pas et suivons la sensibilité de l’auteur. C’est une vision résolument optimiste mais réaliste qui se dégage de cette exposition, assez éloignée des idées reçues longtemps véhiculées par son histoire et les préjugés. Bien sûr c’est inévitablement aussi le point de vue d’un « touriste occidental », mais malgré le temps limité et les conditions difficiles à l’évasion et à l’immersion locale qu’impose un voyage organisé, Claire réussit avec talent à saisir de beaux moments de vie et des points de vue originaux de l’activité de la banlieue Sud-Africaine. Il en ressort l’image d’un peuple fier et décidé à aller de l’avant, riche de son histoire et de ses grands hommes. Jérôme Médard |
Soweto n’est pas un nom africain mais anglais (son nom provient de la combinaison des 3 mots : South Western Township). La ville a été construite sous l’apartheid dans les années 1950, afin d’accueillir des habitants noirs seulement et de renforcer ainsi la ségrégation. Le 16 juin 1976, Soweto est devenu le symbole de la lutte anti-apartheid avec les manifestations étudiantes contre l’imposition de l’afrikaans comme langue obligatoire de l’enseignement. Ce mouvement pacifique qui a été réprimé dans le sang et les émeutes qui ont suivies ont fait entrer le township dans l’actualité internationale. En l’espace de quelques jours, cet événement très médiatisé alerte l’opinion publique mondiale qui se retourne contre le gouvernement raciste de l’Afrique du Sud. C’est le début d’une lutte qui durera plus de 25 ans. Le township devient alors le symbole de la résistance noire à l’apartheid.
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Pour les personnes qui ne pourraient se déplacer, les photos de Claire Kulaga sont visibles sur le site du photoclub.
Claire Kulaga est webmestre au CAES du CNRS et membre du photoclub du CLAS de Villejuif.
« Un jour à Soweto » est une exposition du CLAS de Villejuif jusqu’au 28 avril 2019.
Adresse : Campus CNRS, Cafétaria-Bâtiment L, 7 rue Guy Môquet, 94801 Villejuif.