Challenge voile : vivez l’ambiance à bord grâce aux récits de deux skippers

Publié le 22.11.2018 par Clémence Mermillod

Des membres de deux équipages du challenge voile du CAES du CNRS, Mathieu Paoletti et Benoît Lantin, se sont portés volontaires pour partager avec le CAES MAG le journal de bord de leur aventure.

 

Le challenge voile 2018 du CAES du CNRS s’est tenu du 12 au 15 octobre au départ de la Trinité-sur-Mer. Plusieurs équipages d’agents du CNRS se sont affrontés en régates pendant quatre jours, dans une ambiance bon enfant. Benoît Lantin et Mathieu Paoletti ont accepté de tenir un journal de bord pour raconter au CAES Mag leur aventure au jour le jour. 

 

 

 

 

Mathieu Paoletti, IGBC 2.

 

Benoît Lantin, IGBC 1.

 

Avant le départ…

Benoît Lantin, embarqué sur l’IBGC 1, nous plante le décor…   

C’est un rendez-vous annuel dans lequel des équipages se retrouvent, pour la plupart composés par des gens qui sont tout simplement collègues dans un laboratoire de recherche français. En fait, il suffit d’un vrai amateur de voile pour que tout bascule.

Moi, c’est un soir de 2004 que je suis tombé dedans. Je faisais route commune avec un sympathique chercheur et en discutant de tout et de rien, il a fini par me demander si j’arrivais à faire un certain geste (pour n’importe qui ce geste s’apparente au geste de la comptine, « je fais de la purée pour mes petits cochons, pour un, pour deux… ») avant de me laisser sur ma faim justement. Le lendemain, il me parle de courses de bateaux à voile à Concarneau, où les équipages dorment sur les bateaux et se bagarrent le temps d’un gros week-end. Personnellement, je ne savais rien du monde où j’allais mettre les pieds, mon expérience de bateau se résumant à celle de gros ferry pour la Corse. Si j’avais su où cela me mènerait, à des expériences de vie, des déconvenues, aventures, tracas de trajet et à ces moments magiques sur les flots de coucher de soleil…

J’aime bien raconter cette histoire, parce que la personne qui m’a ouvert la porte de la voile fait partie des victimes du vol Rio-Paris. Et depuis j’ai toujours une pensée pour lui, quand je parle bateau.

Une mobilité sur Toulouse, les challenges se passant à La Rochelle, puis à la Trinité et sur l’île de Groix, par un rapprochement de covoiturage avec des bordelais, j’ai décidé de changer de bord cette année et de faire le challenge avec un équipage de Bordeaux.

Préparer un challenge commence des mois à l’avance : il faut trouver des collègues qui n’ont pas peur d’un certain inconfort pendant un peu plus de 4 jours, qui n’ont pas peur de l’eau ET surtout qui ont envie de voir, d’apprendre et de s’inscrire dans un collectif le temps de la compétition. Les bateaux cette année sont des first 31,7, couchage de 6 personnes, longueur hors tout 9,85 m, tirant d’air à 14,10 m. Ils sont tous équipés d’une grande voile (GV), d’un Génois et d’un SPI.

 

Challenge voile, jour 1, le 12 octobre :

À bord du bateau IBGC 2 avec Mathieu Paoletti

Aujourd’hui…. équipage IBGC 2 ( Institut de Biochimie et Genetique Cellulaires du CNRS) au départ de la Trinité-sur-Mer : journée d’entraînement. Les vents annoncés n’étaient finalement pas si effrayants. Nous sommes sortis et avons passé une agréable journée. Nous avons réalisé quelques bords et quelques empannages pour l’entraînement et nous avons même pris quelques douches d’eau salée. Nous sommes ensuite rentrés au port pour aller au pot d’accueil qui se déroulait dans une salle de la Trinité-sur-Mer et nous sommes maintenant en train de déguster de magnifiques galettes !

Dicté par Émilie et orthographié par google

 

L’équipage IBGC 2 lors de son premier jour d’entraînement.

Malgré un vent assez fort, l’équipage a bien profité
de cette première journée.

 

À bord du bateau IBGC 1 avec Benoît Lantin….

Le premier jour est celui du trajet, qui se passe en général le soir, voire la nuit. Du coup, cela fait toujours bizarre aux novices, car en plus du dépaysement, on découvre comment est structuré l’intérieur du bateau, ce qui peut vite être complexe.

Le premier repas commun est l’occasion de se raconter les news et infos de retrouvailles, mais la discussion va rapidement passer sur la course et son planning. Le chef de bord peut alors profiter de ce moment de calme et d’écoute pour discuter des rôles de chacun, des points de sécurité obligatoires, consignes incendie, fonctionnement interne du bateau, programme du lendemain en fonction de la météo.

 

Le spi (voile avant) noir de l’IBGC 1.

 

 

Challenge voile, jour 2, le 13 octobre :

À bord du bateau IBGC 1 avec Benoît Lantin…

Quelques images de ce matin à l’aube et du briefing. 

L’IBGC 1 est un autre équipage de 6 participants au Challenge voile. Après avoir affronté une mer bien animée, activité de séchage du matériel pour rester – un peu –
au sec !

 

L’idée principale est alors de prendre le large au plus tôt afin de répéter les manœuvres essentielles pour le challenge, pour les citer à la volée : envoi de la grand-voile (GV), envoi de génois, virement, empannage, envoi et affalage de spi, procédure « Homme à la mer » (sécurité encore une fois). Et puis le but est surtout de profiter de l’océan. Cette année, lui aussi nous attendait puisque dès le début nous avons reçu de l’eau pour nous tremper. Nous avons pris 2 ris, ce qui consiste à adapter la surface de la voilure à la force du vent lorsque celui-ci forcit.

La première sortie du port est toujours marquante, car c’est le moment où je peux enfin dire « ça y est, nous sommes en voile ».

Une fois dégagés du canal d’accès, on pratique le premier véritable exercice de voile, l’envoi de la grand-voile (GV). Une fois la GV en tête de mât et étarquée (réglée en actionnant l’ensemble des bouts qui la fixent au bateau), le bateau change son angle par rapport au vent pour devenir manœuvrant par le vent. On coupe le moteur, ça y est nous naviguons.….

Arrive la fin de journée, il faut prévoir suffisamment de temps pour le retour, et être à l’heure pour le briefing de début de challenge.

Moments-clés de cette cérémonie : les annonces particulières sur la météo (cette année rien de gênant à signaler) et les actualités avec cette grosse surprise, c’est le dernier challenge organisé par Isabelle Bouchoule mais la relève semble assurée !

Autre moment fort de cette cérémonie assez protocolaire : la présentation des équipages. C’est ainsi que l’on se rend compte à la fois de la provenance des navigateurs et du domaine scientifique des laboratoires participants, et cela fait toujours plaisir de revoir des anciens ou des habitués du challenge.

Ce temps de convivialité se termine autour d’un verre, puis les équipages sont libres de leur soirée. La team bordelaise s’est entendue pour réserver un restaurant, ce qui permet de ne pas avoir à cuisiner dès le premier soir. Notre choix s’est évidemment porté vers une crêperie : « vive la bretagne » et comme il faut bien prendre des forces, une crêpe dessert « chiffonnée » n’est pas de trop.

 

Et pendant ce temps-là sur l’IBGC 2…

 

Challenge voile, jour 3, le 14 octobre :

En direct de l’IBGC 2

Une note lapidaire de l’équipage : « Manche bretonne : vent, pluie, froid. »

 

Mais quels sont ces phares que l’on distingue dans l’obscurité ? C’est l’équipage de IBGC 2 bien sûr, qui, muni de lampes frontales, vous raconte la nuit en mer. Rassurons-nous donc, le moral des troubles semble au beau fixe même si le temps l’est un peu moins. Un peu plus tard, l’équipe finissait dans le duo de tête de la régate de l’après-midi. 

 

 

Et pendant ce temps sur l’IBGC 1… 

Celui qui croit que l’on se repose se trompe : samedi matin réveil 7h. Consolation, le bateau comité lui doit partir facilement 30 minutes avant les autres bateaux. Pendant la matinée, les bateaux vont faire 2 courses, les « parcours bananes ». Le principe est le suivant : les bateaux rejoignent le bateau comité au mouillage ainsi qu’une première bouée rouge, ces deux points désignant la ligne de départ. En plus de cette ligne, le comité a disposé 2 bouées de couleurs différentes, une jaune qui devient la cible à atteindre et une rouge désignée bouée de dégagement. Ces deux bouées doivent être laissées sur bâbord (soit à gauche) et vous obtenez ainsi le sens de parcours des bateaux. Ces bouées sont disposées pour permettre aux bateaux d’utiliser les différentes allures (direction dont provient le vent en navigation). Puis c’est le retour au port bien mérité, pour permettre aux équipages plusieurs choses : se restaurer, se reposer un peu et très important aux niveaux du moral, de faire sécher les affaires, en vue de la suite de la journée, qui se termine par la fameuse navigation de nuit. L’après-midi commence par un briefing entre le comité et les skippers des équipages. Le parcours se veut long, puisque l’idée est de finir dans la nuit. Le temps étant clément ce jour-là le briefing a eu lieu dehors, à même le ponton.

 

Les feux de navigation de deux couleurs différentes permettent d’évaluer de nuit l’orientation du bateau.

 

Départ lancé aux alentours de 18h au large. Cette année, contrairement aux précédentes, le soleil ne nous a pas fait grâce d’un coucher comme on peut en voir au large, tant pis. La nuit arrive avec ses risques et dangers. Les bateaux ne sont plus que des points de lumière : une blanche en tête de mât, pratique pour être vue de loin, un feu blanc à l’arrière et 2 lumières (rouge et vert) à l’avant, permettant de comprendre quel bord présente le bateau.

Après 7 heures de course, le comité annonce l’annulation de la course, certains équipages l’ayant demandée suite à la tombée du vent et la quasi-impossibilité de continuer à avancer à la voile. Cela est rarement arrivé mais il vrai qu’une arrivée tardive, c’est aussi une longue attente pour le comité d’organisation. La consigne est donc donnée de prendre en photo les coordonnées GPS du bateau et de l’envoyer au comité.

Il est 1h du matin, nous sommes dans le premier tiers de la flotte, nous avons 10 miles nautiques jusqu’au port, quand le moteur nous pousse lui à 5 miles nautiques à l’heure. Nous ne sommes pas rentrés…

Plus de 3 h du matin, enfin arrivés au port, on apprécie quand les copains vous attendent au ponton et vous disent où venir vous mettre à couple. Une bonne douche (pas froide !!) et dodo…

 

Challenge voile, jour 4, le 15 octobre :

En direct de l’IBGC 1

Hourra ! L’IBGC 1 est de retour et nous envoie quelques images pour cette dernière journée de navigation.

« Temps calme pour les dernières bananes »

 

 

 

 

 

Les bananes ou parcours banane
sont un exercice de régate
où les participants doivent contourner une bouée. 

 

Un peu plus tard… Benoît revient vers nous !

L’arrivée au petit matin fait piquer un peu les yeux. Les plus à plaindre sont encore une fois le comité d’organisation mais aussi les skippers qui ont rendez-vous pour le briefing, car la météo est en mode crachin breton et c’est rdv à 11h pour tout le monde. Fort de l’expérience de la veille et du vent, le parcours côtier est préféré en version raccourcie.

 

« Le conseil des sages », ou le comité d’organisation et les skippers.

 

 

La météo continue sur le mode crachin tout l’après-midi, avec une petite houle et du vent au début, pour ensuite faiblir.

Le temps mort au port qui suit cette course permet de se changer avec du sec et de finaliser la préparation d’une épreuve redoutée qui se fait à terre : la chanson d’équipage !

C’est une épreuve sans point mais éliminatoire. Au fur et à mesure des éditions, l’idée s’est installée qu’une joute verbale chantée permettait de régler ses comptes sur le trait de l’humour, et/ou de remercier le comité ou un autre équipage. Nous prenons donc généralement un air connu sur lequel nous mettons des paroles racontant notre aventure.

Notre équipage a souhaité rendre hommage à Charles Aznavour. Fort de nos premières bananes, de notre classement à la nocturne annulée mais virtuellement premiers, mais surtout suite au revirement après la côtière (bons derniers !), la chanson idéale pour nous fut rapidement choisie : ce serait « je m’voyais déjà ».

Cette année, un autre gros changement, le comité a proposé de changer la fourniture de bourriche d’huîtres par une prestation de crêpes salées et sucrées par un traiteur. Une réussite, les crêpes ont été très appréciées.

 

On s’voyait déjà (IBGC1)

(Prélude instrumentale au téléphone)

Au mois d’octobre, j’ai démarré le challenge,
Bien décidé à envoyer le spi
Le cœur léger et le bagage mince,
J’étais certain de conquérir L’Crouesty

Un équipage manquant un peu de rodage,
Mais les dents longues, quitte à bouffer des ris
Les ratés, la pétole et les paquets d’embruns
N’ont pas eu raison de notre motivation

On s’voyait déjà à La Trinité,
Prenant l’apéro avec les copains en mangeant des crêpes

On s’voyait déjà avec le trophée
Après les bananes et la nave de nuit, plutôt bien classés
On était les plus grands des grands festoyeurs
Écumant les rhums au sucre de canne du bateau Comité

On s’voyait déjà en haut du classement,
Mais finalement, après la côtière, on est bon perdant

Lalalalalaaa lalalala la la

 

En fin de repas, nous avons appris que le comité était revenu sur sa décision d’annuler la navigation de nuit, nous permettant de nous classer premiers !!  Explosion de joie pour IBGC1 ! La soirée s’est poursuivie par un dernier verre dans un bar sur le point de fermer, histoire de garder cette bonne ambiance. Le barman a cru halluciner de nous voir débarquer à 25 alors qu’il allait plier bagage… puis direction le bateau pour notre dernière nuit à bord.

 

Challenge voile, jour 5, le 16 octobre :

CAES MAG à IBGC 1 ? CAES MAG à IBGC ! 

Fatigue au réveil, et pourtant il faut encore se lever à 7h, mise à dispo pour cette dernière banane 9h. Arrivés au large, on se fait gronder par le comité car on a oublié de brancher la radio… fatigue quand tu nous tiens !! La météo est tout le contraire de vendredi, l’océan est à peine ondulé, le soleil est timide et le vent aussi. On ne va pas se plaindre, le temps nous permet de sortir le spi, la course est lancée correctement, nous somme dans les conditions de petit temps (secret de compétition, je ne dirai pas les réglages 😉 ). J’ajouterais juste que la moindre erreur en manœuvre se paye par la difficulté à relancer le bateau.

La tension est là, beaucoup d’arrivées se font en duo de bateaux très proches en temps et les faibles vitesses n’arrangent rien au stress. Plus le temps passe et plus le vent faiblit, on va vers la pétole (absence totale de vent, NDLR).

Une fois la course terminée, le challenge du point de vue compétition est terminé. Une fois arrivés au port du Crouesty, on finalise le rangement et on entame le nettoyage afin de vite filer à la remise des prix.

La remise des prix se fait en commençant par le bas du classement, on salue de nouveau la performance vocale de la chanson du LAC de la veille.

Pour tous, le challenge a été une réussite, on réalise qu’il est passé bien (trop ?) vite. Beaucoup seraient prêt à signer dès maintenant pour l’édition de l’an prochain.

Arrive le moment de se séparer entre bateaux, parfois entre équipages, sans forcément savoir quand on se retrouvera. On se salue, parfois on se fait des accolades, on se souhaite bonne route et on se dit à l’année prochaine.  A la maison, c’est le nettoyage des affaires trempées de sel, le comptage des bleus et courbatures. Les jours suivants, les mails et partages de photo vont aller bon train permettant de vraiment réaliser le plaisir de cette édition.

 


La team de Bordeaux (IBGC1, IBGC2, Bordeaux Univ) et son palmarès.

 

 

Charlie Delta Uniform Charlie Delta Uniform IBGC 2

Le mot de la fin pour le bateau de notre reporter IBGC 2…

Un grand merci aux skippers ! Bon vent !