« L’argentique, cela donne des images uniques »
Entretien avec le lauréat du prix Photofolie 2024, Bernard Launé, un photographe amateur qui aime cet art tant pour ses aspects techniques que pour la créativité qu’elle permet.
Bernard Launé se rappelle parfaitement du moment où il a appuyé sur le déclencheur pour cette photographie qui lui a permis de remporter le concours Photofolie 2024. « Je me promenais dans Paris. Et je vais toujours me promener avec un appareil photo. Il y avait des gens qui couraient sur les quais de Seine. J’ai pris quelques photos, 4 ou 5. Il se trouve que j’ai fait une fausse manœuvre et que l’une d’elles s’en est trouvé surexposée. J’ai fait développer la série puis j’ai réalisé que son flou ajoutait quelque chose. Elle avait ce grain particulier. Cet aspect esthétique m’a plu, mais j’ai hésité à la soumettre au concours du CAES : je n’étais pas certain que cela attirerait l’œil du jury. »
Un choix audacieux qui a pourtant payé. Le jury a été lui aussi emporté par la beauté de cette scène énigmatique. Certains y ont vu une réflexion sur le temps qui s’écoule tel le fleuve tranquille entraînant nos vies éphémères, d’autres un regard mélancolique posé sur une ville millénaire… Mais Bernard Launé restera muet sur ses intentions. « Les impressions appartiennent à chacun. Je me préoccupe uniquement de l’aspect esthétique et je laisse aux gens l’interprétation. » Reste que cette photo a beaucoup fait réagir, ce qui, pour le président du jury 2024 Georges Ghighi-Bonnin est le propre d’une bonne photographie : ne laisser personne indifférent.
« Je me méfie des passions »
Cet amateur se défend d’être passionné, il préfère le terme d’amateur. « Par principe, je me méfie des passions. Lorsqu’on est trop passionné on perd la maîtrise » sourit-il. Car ce qu’il aime dans la photographie, c’est qu’en plus d’être un moyen d’expression qui laisse libre cours à sa créativité, c’est aussi un outil technique mais dont le savoir est accessible. C’est ce goût pour cet aspect technique qui lui font préférer l’argentique. « Quand j’ai commencé la photographie, j’ai vite rejoint le club photo d’Orsay. Nous développions nos photos au labo, réalisions les agrandissements. L’agrandissement, c’est un art à part entière. J’avais même réalisé un stage photo CAES avec Vincent Martin à Aussois ! Je suis parti quelques années aux USA et j’ai mis de côté l’argentique pour explorer le numérique. C’est moins compliqué ! Mais maintenant que je suis à la retraite, je reviens vers l’argentique. Cela donne des images uniques, comme celle du concours avec son grain particulier. » Un heureux accident, remarquons-nous : « Le mot savant serait sérendipité ! », s’amuse cet incorrigible scientifique. Adepte de la maîtrise technique, il a pourtant su se réjouir de ce hasard. Un contraste tout à fait intéressant et détonnant qui est sans doute à l’origine du charme que ce cliché unique a opéré sur le jury Photofolie.
« Au bon endroit au bon moment »
Bernard Launé a donc pu profiter de son prix, un week-end à La Gacilly, festival de photographie qui se tient chaque année en Bretagne. Vous le croiserez peut-être au gré de ses nombreux voyages, son objectif toujours prêt à capter quelques beautés du monde. « Au bon endroit au bon moment », comme Henri Cartier-Bresson dont il admire le travail. « Mais sans comparaison bien sûr », précise-t-il d’emblée. Vous pouvez aussi découvrir les photographies de Bernard Launé sur son site.